Poteaux incendie et gestion de réseau : des risques pour les infrastructures et la qualité de l’eau distribuée

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Cet article est le deuxième d’une série de billets sur les poteaux incendie, un sujet au coeur des préoccupations des exploitants, comme en témoignent les nombreuses discussions sur les hydrants sur le forum FluksAqua. Dans ce deuxième article, nous abordons la question des risques pour les infrastructures et la qualité de l’eau distribuée en France.

Avec l’objectif de rendement de 85% fixé par le Grenelle II, les collectivités sont plus soucieuses de l’efficacité de leur réseau d’eau. Comme le montrent les infographies de FluksAqua sur la performance des réseaux d’eau en France, toutes les collectivités n’atteignent pas ce taux. En cause, les fuites bien-sûr, mais aussi les vols d’eau parfois massifs ** et souvent prélevés sur les hydrants, et enfin les interventions bien nécessaires des pompiers. Tous deux peuvent avoir un impact significatif sur la gestion du réseau.

Impact de l’utilisation des PI sur les infrastructures

Les poteaux incendie sont en effet un point de prise d’eau souvent incontrôlé par des camions citerne (BTP, citerne municipale d’arrosage, gens du voyage etc). Or, ces prises d’eau engendrent d’inutiles recherches de fuite pour les exploitants, qui constatent des pertes sur leur réseau.

Selon un papier de la Dépêche de Carcassonne datant de juin 2011 et se penchant sur le nombre croissant de vols d’eau dans la région, “on a vu des usagers se brancher, discrètement et directement sur des bouches d’incendie”. L’article soulignait notamment le taux de rendement du réseau à Villedubert, qui était alors de 49%. (Villedubert est une commune appartenant à l’Agglomération du Carcassonais).

“Sur 100 m3 d’eau produits par la régie municipale de Villedubert, 59 seulement sont facturés. Le reste disparaît dans les fuites d’eau, les purges diverses et… les branchements sauvages.”

Les vols d’eau concernent aussi les réseaux privés, comme les confirment les exploitants qui échangent sur le forum d’entraide technique FluksAqua, au détour d’une conversation sur la possibilité de poser des compteurs pour un service d’incendie privé :

“Il est maintenant d’usage de poser systématiquement un compteur du modèle adapté sur les branchements incendie et de contracter un abonnement. Ne serait-ce parce qu’il y a trop de fraudes par piquage sur lesdits réseau” y affirme ainsi Turgot, l’un des 3000 contributeurs du site.

Une recherche de fuite inutile peut aussi être occasionnée par des manœuvres non mentionnées sur un poteau incendie : les exploitants qui suivent les débits mis en réseau par la télégestion peuvent confondre le sur-débit induit avec une fuite importante et déclencher des actions pour la rechercher.

L’utilisation des PI par les pompiers peut également avoir des conséquences sur la qualité de l’eau distribuée, allant parfois jusqu’à la rendre impropre à la consommation.

Deux risques qui justifient l’importance pour les services d’eau potable d’être informés à toute ouverture/fermeture d’hydrants. Certaines innovations le permettent désormais. C’est le cas de la solution APILINK développée par le fabricant Birdz, qui utilise l’IoT pour alerter les services techniques des ouvertures et fermetures de poteaux. On parle alors de poteaux incendie connectés. Le module radio, compatible avec la plupart d toutes les marques de poteaux, permet de récupérer les données du parc, de les visualiser sur une interface web et de générer des alertes en cas d’anomalie.

Ceux-ci équipent un nombre croissant de communes, qui y voient la possibilité de mieux coordonner les actions des pompiers et des services des eaux, mais aussi d’optimiser les contrôles réglementaires (tournée de pesage).

 

Des retours d’expérience sont disponibles sur le forum.

Au delà des ressources gaspillées par les recherches de fuites inutiles, l’utilisation des hydrants par les SDIS comporte un risque humain et matériel : celui des coups de bélier. La revue Techniques de l’ingénieur définit ceux-ci comme “les variations de pression provoquées par une prompte modification du régime d’un liquide s’écoulant à l’intérieur d’une canalisation”.

En cas d’incendie, ou lors de pesées de poteaux incendie, les poteaux peuvent par méconnaissance être ouverts et refermés très rapidement, générant des dépressions et coups de bélier dans les réseaux.

Ceux-ci sont peuvent se révéler très dangereux pour la sécurité des pompiers, qui ressentent cette surpression dans la lance incendie. L’Est Républicain titrait ainsi il y a trois ans sur la mort d’un pompier volontaire lors d’un exercice d’essai de réserve incendie, suite à ces fameux coups de bélier.

Ils fragilisent également la structure du réseau et peuvent déclencher des casses importantes. Ainsi, il n’est pas rare d’observer, quelques jours après une intervention des SDIS des ruptures de canalisations (fonte grise, PVC…) ou d’éléments de fontainerie. La vitesse d’écoulement nécessaire pour permettre aux pompiers de lutter efficacement contre le feu soumet ces éléments du réseau à des vibrations hautes fréquence, qui les fragilisent.

Bon à savoir : Une fermeture en douceur du poteau en laissant couler l’eau à faible débit en fin d’essai permet de limiter le risque de coup de bélier.

Impact de l’utilisation des PI sur la qualité de l’eau

 

Coloration de l’eau, dépôts ou une baisse de pression… Ces désagréments constatés chez les usagers d’eau potable sont souvent le signe d’une activité sur les poteaux incendie qui parsèment le réseau d’eau. On ne compte plus les alertes interdisant ponctuellement la consommation d’eau du robinet suite aux interventions de pompiers, qui modifient la vitesse d’écoulement dans les réseaux et occasionnent ainsi des problèmes en matière de qualité.

Les forts débits dans les canalisations remettent en suspension des sables/limons/poussières déposés au fond de canalisation, la rendant turbide et déclenchent ainsi des appels de consommateurs inquiets. Les exploitants doivent ensuite purger parfois plusieurs heures les conduites pour rétablir un aspect normal.

Comme l’indique Breizheau, contributeur du forum, “Les désordres engendrés sont multiples en cas de survitesse et d’inversion du sens d’écoulement dans le réseau (coloration, décrochage de particules solides, perturbation du biofilm). La qualité sanitaire de l’eau distribuée doit être contrôlée. L’exploitant intervient préventivement par des purges et le renforcement de la chloration”.

Le cas des eaux rouges : elles révèlent la présence de dépôts de fer ou de manganèse, qui soumis à une augmentation de al vitesse d’écoulement de l’eau, se mettent en suspension. Face à ce problème, les solutions sont bien connues : purger régulièrement le réseau, et nettoyer les conduites par raclage.

Il se produit le même phénomène avec les dépôts de biofilm et de MES.

 

*Les SDIS peuvent demander des capacités supérieures pour les cas spécifiques comme les ERP (établissements recevant du public)

**Article de presse sur le sujet : http://www.bfmtv.com/societe/canicule-300-bouches-incendie-ouvertes-illegalement-en-ile-de-france-900240.html